Le microbiote intestinal regroupe l’ensemble des microbes présents dans notre intestin. Il permet un bon fonctionnement ainsi qu’une certaine protection du côlon. Gerard Eberl, responsable de l’unité Micro-environnement & Immunité à l’Institut Pasteur, nous en dit plus au cours de cette interview.

Comment évolue la composition du microbiote intestinal pendant et après une infection à SARS-CoV-2 ?

La Covid-19 est une infection des voies respiratoires supérieures. Néanmoins, le SARS-CoV-2, le virus qui cause la maladie, a montré son caractère polyvalent. En effet, ce virus possède aussi une certaine affinité avec nos cellules cérébralescardiaques et digestives. Dès lors, il semble intéressant de suivre des paramètres comme la composition du microbiote intestinal au cours de la maladie et après cette dernière. C’est ce qu’a entrepris une équipe de chercheurs hongkongais en collectant des échantillons de selles dans deux cohortes de patients hospitalisés. Ils publient leurs résultats dans la revue Gut.

La composition du microbiote est modifiée durant la Covid-19

Rien d’étonnant jusque-là. D’autres virus, comme celui de la grippe ou le virus respiratoire syncytial, ont la capacité de modifier significativement la composition du microbiote intestinal. En raison de son rôle immunitaire, le microbiote peut, dans une perspective mécaniste, subir des modifications quelle que soit l’infection. Néanmoins, selon une étude préliminaire, menée sur de faibles échantillons, il semblerait que les modifications du microbiote induit par la Covid-19 soient différentes des infections à d’autres virus, comme le virus de la grippe H1N1.

Les scientifiques font alors l’hypothèse que ces changements de composition jouent un rôle dans l’exacerbation de la maladie en contribuant à la dérégulation de la réponse immunitaire. En réalisant les mesures adéquates, ils constatent que ces modifications sont intimement corrélées avec plusieurs paramètres tels que la concentration en cytokines et chimiokines dans le plasma sanguin, en marqueurs d’atteintes tissulaires et avec la sévérité de la maladie. De plus, les taxons qui voient leur population croître sont connus pour leurs fonctions métaboliques pro-inflammatoires tandis que les taxons, dont la population s’amoindrit, sont connus pour leurs fonctions métaboliques anti-inflammatoires.

La dysbiose persiste même quand le virus est parti

Les investigateurs savent aussi que certains patients souffrent encore de symptômes (les Covid-long ou Covid longue durée) même lorsque leurs tests PCR se révèlent négatifs. Ils ont donc voulu étudier l’état du microbiote chez quelques patients après la clairance virale. Ils ont alors émis l’hypothèse que le microbiote intestinal dysbiotique (c’est-à-dire dont la composition a été altérée) observé chez les patients atteints de la Covid-19 persiste après la guérison et pourrait contribuer à la durabilité des symptômes. Encore une fois, leurs observations sont venues donner du crédit à leur hypothèse.

Les personnes qui avaient eu la Covid-19 présentaient une persistance dans l’altération de la composition du microbiote en comparaison avec celles qui n’avaient pas souffert de la maladie. En prenant en compte les traitements antibiotiques dans l’équation, les résultats ne changent pas, l’altération reste significative, que les patients aient été traités ou non. Néanmoins, la dysbiose semble perdurer plus longtemps lorsqu’un traitement antibiotique a été donné. Les auteurs précisent que ces résultats suggèrent que la prescription d’antibiotiques chez les patients n’ayant pas de co-infection associée à la maladie peut s’avérer plus néfaste que bénéfique. Des utilisations assez inquiétantes sont d’ailleurs observées dans certains pays, par exemple en Espagne.

Que faut-il conclure ?

Rien, pour l’instant. Même si l’étude est intéressante et concorde avec le fait que les dysfonctions organiques observées dans la Covid-19 ne sont pas uniquement dues à l’infection mais également à la réponse immunitaire de l’hôte, l’échantillon sur lequel elle se base est trop réduit. Les limites de l’étude sont encore trop nombreuses pour inférer des affirmations robustes. Les auteurs en sont conscients et mentionnent les faiblesses de l’étude comme sa courte durée, l’hétérogénéité des groupes de patients inclus et la grande variabilité inter-individuelle des compositions du microbiote humain.

Par conséquent, la possibilité que la réponse du microbiote soit simplement due à une réponse immunitaire propre au patient par rapport à son état de santé et l’état de son immunité antérieurs à la maladie est loin d’être obsolète. Néanmoins, si une véritable relation causale existe, qu’elle soit nécessaire ou probabiliste, il est intéressant pour la recherche médicale de continuer à surveiller ce paramètre. Cela pourrait apporter des données utiles afin d’identifier précocement les patients potentiellement à risque de formes graves.

 

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